– Last pages of Georges Duby’s trilogy on medieval art (Foundations of a New Humanism – Albert Skira, 1966) – The human predicament in three images
– Dernières pages de la trilogie de Georges Duby sur l’art médiéval (Fondements d’un nouvel humanisme – Albert Skira, 1966) – La condition humaine en trois images
Van Eyck, Masaccio, Donatello (English commentary) 🇬🇧
The tragic burden of man’s estate
… In Eve’s body, which Van Eyck painted as if it were an intricate landscape, the smooth flow of light into shadow lends greater distinctness to the texture of every part. Not only does the artist pay minute attention to physical substance; he also combines discrete sensory experiences in a coherent whole, embracing every dimension of reality. Thus the Illumination of the Holy Ghost unites the souls of all men in bliss beyond compare; thus the Light reveals the universe in an act of a continuous creation. In Masaccio, painting has become a mental process in itself. His frescoes are the offspring of architecture, an abstract, numerical art, measuring and begetting space, subduing matter to the intellect, heedless of physical likeness. The architect employs logic and mathematics to realise his concept. The new style of Renaissance architecture, initiated in Florence by Brunelleschi, discarded Gothic luxuriance and all extraneous ornament, reverting to the pure symmetry of the church of San Miniato. Masaccio, likewise, made of emptiness, of pure, abstract space the main element in his paintings. In it, he placed Man, present in the flesh. “That flesh,” as Leon Battista Alberti was soon to write in his Treatise on Painting, “will crumble to dust; but as long as it breathes, whoever spurnes the flesh, spurns life itself.” Masaccio built flesh as if it were a monument. All his figures, like the faces of the statues carved by Donatello, are imbued with the seriousness of a steadfast faith, uncompromising, rational and resolute, calmly assuming the tragic burden of man’s estate.
Van Eyck, Masaccio, Donatello (commentaire en français) 🇫🇷
Le tragique de la condition humaine
… Sur le corps d’Ève, que Van Eyck traite comme un paysage complexe, le glissement onctueux de la lumière vers l’ombre approfondit l’analyse du grain extérieur de chaque objet. Il explore attentivement la matière, mais il relie aussi chacune des expériences sensorielles; il fond leur dispersion dans un ensemble cohérent, étendu dans les trois dimensions du monde sensible – de même que l’illumination de l’Esprit réunit dans l’ineffable la communauté de toutes les âmes, de même que la lumière divine établit la réalité de l’univers dans une création continue. Alors que, pour Masaccio, la peinture est bien déjà «chose mentale». Ses fresques sont filles de l’architecture, d’un art de calcul et d’abstraction qui mesure l’espace et le crée, qui conquiert l’univers par l’intelligence et qui ne se soucie nullement de ressemblance. L’édifice réalise un concept, par le recours aux sciences mathématiques et par le jeu de la raison. Dans Florence, la nouvelle architecture, celle de Brunelleschi, repousse l’ornement gothique, toutes les parures superflues; elle tend à retrouver la pureté et l’équilibre de San Miniato. Dans la composition de Masaccio, l’élément majeur devient donc le vide, l’espace pur, abstrait. Il y place l’homme, présent par son corps. « Ce corps, » lira-t-on bientôt dans le Traité de la peinture de Leon Battista Alberti, « tombera en poussière, mais non longtemps qu’il respire, le mépriser, c’est mépriser la vie. » Cette présence corporelle est bâtie comme un monument. Tous ces corps d’hommes – comme tous les visages que sculpte Donatello – sont établis dans la gravité, celle d’un christianisme tendu, qui refuse toute complaisance, se veut lucide, fondé en volonté et qui assume, en pleine sérénité, le tragique de la condition humaine.


