Christianity – the cultural matrix of our world (Marcel Gauchet)

Télérama (nr. 3178, 2010), interview with Marcel Gauchet, one of France’s leading intellectuals, who as a secularist (‘laïc’) says pertinent things about Christianity/religion:

Christianity is, after all, the cultural matrix of the world we live in, and if we don’t have this memory, I don’t really see what we can understand about it’.

« Le déclin du christianisme vous paraît-il inéluctable? »

Gauchet « Rien n’est inéluctable dans l’histoire et on ne compte plus les morts ressuscités qu’on a enterrés un peu prématurément. Ce qui a disparu dans les dernières décennies, c’est ce qu’il restait du christianisme politique, c’est-à-dire de l’ambition du pouvoir religieux d’exercer un rôle d’englobement normatif de la collectivité. A disparu aussi le christianisme sociologique, à l’orée des années 1960: le christianisme paroissial qui se vouait à l’encadrement des communautés et du cycle de vie. Mais il reste la vitalité de la foi chrétienne. La nouveauté, c’est qu’elle reste minoritaire, alors qu’avant elle était le cadre. Cela produit une situation intellectuelle totalement nouvelle: toutes les conditions dans lesquelles s’est défini historiquement le christianisme, sur un plan théologique ou pastoral, ont changé. Mais la place est ouverte pour une réinvention de la foi chrétienne dans sa manière de s’énoncer, dans les horizons qu’elle donne à ses pratiques, dans le rôle qu’elle entend jouer dans la cité. A beaucoup d’égards, tous les éléments sont réunis dans nos sociétés pour une réactivation du religieux, dans de nouveaux rôles très éloignés de ceux du passé. »

« Mais quel sens revêt votre dialogue avec la religion? »,

Gauchet: « Le christianisme est quand même la matrice culturelle du monde dans lequel nous sommes, et si l’on n’a pas cette mémoire, je ne vois pas bien ce que l’on peut y comprendre. Par ailleurs, le débat entre laïcs et religieux est derrière nous, sauf pour quelques acharnés. La vraie ligne de clivage, aujourd’hui, passe, au-delà des familles politiques, entre ceux pour lesquels la réflexion sur l’aventure humaine est plus que jamais nécessaire, et ceux qui la considèrent dépassée, pour lesquels la prospérité, l’hédonisme ou une certaine liberté apportent des réponses à tout. Tout laïc que je puisse être, je me sens beaucoup plus proche de l’esprit religieux que de beaucoup de laïcs qui me semblent à la dérive dans une sorte d’inhumanisme spontané, cette pente de nos sociétés à l’incuriosité, l’inculture et à la déculturation. Beaucoup appellent « spirituel » le fait de continuer creuser le mystère humain. C’est un mot dans lequel je me reconnais tout à fait. »

‘Do you think the decline of Christianity is inevitable?

Gauchet ‘Nothing in history is inevitable, and there are countless examples of the dead being resurrected after being buried a little prematurely. What has disappeared in recent decades is what was left of political Christianity, that is to say the ambition of religious power to exercise a role of normative encompassment of the community. The 1960s also saw the disappearance of sociological Christianity: parochial Christianity, dedicated to providing a framework for communities and the cycle of life. But the vitality of the Christian faith remains. What’s new is that it remains in the minority, whereas before it was the framework. This produces a totally new intellectual situation: all the conditions in which Christianity has historically defined itself, from a theological or pastoral point of view, have changed. But the stage is set for a reinvention of the Christian faith in the way it is expressed, in the horizons it gives to its practices, in the role it intends to play in the city. In many respects, all the elements are present in our societies for a reactivation of the religious, in new roles far removed from those of the past.

‘But what sense does your dialogue with religion make?

Gauchet: ‘After all, Christianity is the cultural matrix of the world we live in, and if we don’t have this memory, I don’t really see what we can understand about it. Furthermore, the debate between the secular and the religious is behind us, except for a few die-hards. The real dividing line today, beyond political families, is between those for whom reflection on the human adventure is more necessary than ever, and those who consider it outdated, for whom prosperity, hedonism or a certain freedom provide the answers to everything. However secular I may be, I feel much closer to the religious spirit than to many secularists, who seem to me to be drifting into a kind of spontaneous inhumanism, this inclination of our societies towards incuriosity, unculture and deculturation. Many people call the act of continuing to delve into the human mystery ‘spiritual’. It’s a word with which I completely identify.

Le christianisme est quand même la matrice culturelle du monde dans lequel nous sommes, et si l’on n’a pas cette mémoire, je ne vois pas bien ce que l’on peut y (sc. notre monde) comprendre…

Het christendom is per slot van rekening de ‘culturele matrix’ (moederschoot) van de wereld waarin wij leven, en als we ons daarvan geen rekenschap geven, zie ik niet goed in hoe we onze wereld kunnen begrijpen…

 

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